Les enjeux de la RE2020 : le CO2

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L’enjeu de la RE2020 est bien le CO2

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Alors que les annonces du Gouvernement concernant la future réglementation environnementale 2020 occasionnent de nombreux débats, l’enjeu principal reste celui de la baisse des émissions de CO2 pour aboutir à la décarbonation du secteur du bâtiment.
Dans le secteur du bâtiment, c’est un changement de paradigme qui devrait s’opérer dans les prochains mois. Tandis que la RT2012, entrée en vigueur en 2013, a permis de généraliser les bâtiments basse consommation (BCC) et de diviser par trois les consommations d’énergie des bâtiments neufs – par rapport à la précédente réglementation thermique –, la RE2020, normalement applicable au 1er janvier 2021, devrait permettre une approche globale de la performance environnementale des bâtiments neufs. Avec, en ligne de mire, les émissions carbone dans les nouvelles constructions.

Placer le bâtiment dans la trajectoire de neutralité carbone

« En ligne avec les engagements de la stratégie nationale bas carbone adoptée en 2015, la future réglementation portera également sur la performance carbone des bâtiments, là où la RT concernait essentiellement la performance énergétique », notait Nicolas Doré, chef de service adjoint du service Bâtiment de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), dans le Mag de novembre 2019.
Alors que 50 % du CO2 d’un bâtiment neuf est émis lors de la phase de construction, « la RE2020 prendra en compte les émissions de gaz à effet de serre des bâtiments, à toutes les étapes de leur existence – de l’origine des matériaux utilisés jusqu’à la déconstruction, en passant par la construction et la phase d’exploitation – dans une logique d’analyse du cycle de vie (ACV) », poursuit le magazine. « Cette approche est pionnière en Europe et ouvrira de nouvelles perspectives en matière d’économie circulaire et d’écoconception », veut croire Nicolas Doré.
Pour le gouvernement, la RE 2020 sera « plus ambitieuse contre le changement climatique ». Il s’agira de réduire l’impact carbone sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment, d’une part, en incitant à « des modes constructifs qui émettent peu de gaz à effet de serre », d’autre part, en encourageant les « sources d’énergie décarbonées ». Cette réglementation s’inscrit ainsi dans le droit fil de l’objectif de neutralité carbone à 2050 sur laquelle la France s’est engagée lors de la COP de Paris en 2015 afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C.

Un meilleur confort d’été dans une perspective d’adaptation au changement climatique

Il s’agira par ailleurs de permettre « un meilleur confort l’été » – en garantissant la fraîcheur des logements lors des étés caniculaires –, comme l’a avancé la ministre de la Transition écologique et solidaire. Premier secteur de gaz à effet de serre, le bâtiment doit à la fois contribuer à la réduction des émissions carbone, mais aussi s’adapter aux effets du changement climatique et en particulier à la hausse annoncée des températures. Un réchauffement qui pourrait s’accroître en milieu urbain pendant les périodes estivales, sous l’effet des îlots de chaleur.
Après une phase d’expérimentation et « une large concertation menée en 2019 en copilotage avec le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE) », selon le ministère de la Transition écologique et solidaire, le gouvernement vient de sonner le début des simulations, qui serviront à déterminer les critères et seuils principaux de la nouvelle réglementation.

Facteur d’énergie primaire

A ce titre, l’exécutif a confirmé, le 14 janvier dernier, les nouveaux facteur d’énergie primaire de l’électricité et de contenu carbone du chauffage électrique, respectivement fixés à 2,3 et 79 grammes de CO2 par kilowattheure, dans le cadre de la RE2020, contre 2,58 et 210 dans l’expérimentation E+C–, censée préfigurer à l’époque la future réglementation. Un arbitrage qu’ont aussitôt dénoncé certains professionnels de l’efficacité énergétique, qui mettent en avant le traitement de choix réservé à l’électricité, par rapport au gaz essentiellement.
Ce dernier, pour rappel, est grandement responsable des émissions carbonées actuelles des bâtiments. Le 6 février, douze acteurs, dont Equilibre des énergies, Promotelec, Famille de France et la Fédération Française du Bâtiment Grand Paris, ont écrit au Premier ministre, Edouard Philippe, pour lui apporter leur soutien, « face aux attaques injustifiées de ceux qui veulent prolonger le recours aux énergies fossiles ou qui s’opposent pour des raisons dogmatiques au développement de l’électricité ». Ceci au détriment des « efforts du gouvernement dans sa politique de décarbonation ».
La veille, EDF, premier électricien de France et d’Europe, apportait lui aussi quelques précisions sur le sujet, tout en rappelant que le véritable enjeu de la nouvelle réglementation était la place du carbone – et sa diminution surtout – : « Les arbitrages de ces dernières semaines vont dans le bon sens car cela entraînera une forte baisse de la facture de chauffage des ménages et des émissions de dioxyde de carbone », rappelait Laurent Grignon-Massé, chef de mission pour le développement de solutions innovantes et d’usage bas carbone chez EDF.

« Adhésion démocratique »

Sur le retour des « grille-pains », les radiateurs électriques les moins performants, redouté par certains en vertu de l’arbitrage plutôt favorable de l’exécutif à l’égard du chauffage électrique, il n’y aurait pas lieu de s’inquiéter. « Même en hiver, la France ne dépasse pas 110 ou 120 grammes de CO2 par kilowattheure », et il ne sera pas question de dépasser « largement » ce ratio à l’avenir, une fois l’électrification des logements actée estime Chantal Degand, directrice adjointe du département solutions innovantes bas carbone chez EDF.
Si la baisse du facteur d’énergie primaire permettra de diminuer la facture de chauffage et les émissions, tout ne se joue pas là pour autant. A l’occasion d’EnerJ-meeting 2020, le ministre de la Ville et du Logement, Julien Denormandie, est revenu sur cette « affaire du coefficient », en précisant que : « Le sujet n’est pas le niveau du paramètre en tant que tel, mais plutôt le niveau d’exigence que l’on fixera sur la consommation d’énergie et les émissions de CO2 : voilà ce qui est important ».
Ce dernier est également revenu sur l’abandon du Bépos (bâtiment à énergie positive) et la déception causée chez les professionnels de l’efficacité énergétique. Il s’agissait, selon lui, d’apporter un peu de stabilité et de clarté au sujet. « La RT2012 a eu un certain nombre de conséquences sur le secteur de la construction ; la question d’introduire de nouveaux indicateurs se pose donc, et il faut toujours avoir en tête qu’un peu de stabilité ne fait pas de mal », a-t-il dit dans son discours, avant de partager ses vues sur l’autoconsommation, qu’il appelle de ses vœux. « La transition écologique ne se fera pas du fait d’un accord entre les acteurs politique et économique, mais en fonction de l’adhésion démocratique » selon lui.
En attendant, le gouvernement a jusqu’au mois de juin pour rendre ses arbitrages sur la RE2020, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2021.