https://www.fne.asso.fr/dossiers/abattre-un-arbre-une-pratique-anti-%c3%a9cologique%c2%a0
France Nature Environnement rappelle ainsi que « le bois énergie est à la production de bois ce que les épluchures sont aux patates. Si on peut les valoriser, c’est bien, mais on ne produit pas des patates pour leurs épluchures ! ». Pour bien respecter cette hiérarchie des usages, des objectifs contraignants liés au recyclage et à l’utilisation du bois dans la construction et la rénovation se révèlent indispensables.
Photo : Charpente en chêne du Château médiéval de Sully-sur-Loire (Loiret) Crédit : Lambert A
Face à une telle
question, France Nature Environnement vous déconseille tout avis trop…
tranché, car elle demande plusieurs lectures. D’un côté, les arbres et les forêts représentent un refuge privilégié de nombreuses espèces animales et végétales et
nous rendent d’innombrables services. Les forêts nous procurent de
nombreux bienfaits et sont symboles de liberté face à la marchandisation
effrénée que notre société impose à toute chose. De l’autre, les
utilisations du bois sont multiples dans notre quotidien : du papier
toilette, à nos meubles, en passant par le bois de chauffage ou les
livres. Ce matériau se révèle même écologique dans bien des cas. Petit
tour d’horizon de la question par France Nature Environnement.
Dans le monde, trop d’abattages sont sources de déforestation
Plus de 240 millions d’hectares de forêts ont disparu
entre 1990 et 2015, principalement en Amérique du sud, Afrique et Asie
du Sud-Est. Ces abattages-là constituent une dangereuse déforestation :
les surfaces forestières sont remplacées à jamais par des zones urbaines
et agricoles. Principaux responsables de cette perte irréversible
d’écosystèmes forestiers ? Le remplacement de ces surfaces par des
cultures de soja, d’huile de palme, de cacao
mais également l’élevage de bœufs et ses co-produits. Si par notre
consommation, la France participe indirectement à cette déforestation
mondiale, notre territoire national, lui, a vu apparaître 6 millions
d’hectares de forêts supplémentaires en un siècle1. Est-ce suffisant pour considérer que les coupes d’arbres en France sont irréprochables ? Non.
1 - Source : Un siècle d’expansion des forêts françaises. De la statistique Daubrée à l’inventaire forestier de l’IGN. IGN magazine mai 2013.
Photo : Forêt de Bercé (Sarthe). Crédit Romain Perrot.
Coupe rase en forêt : elles sont la cause de perturbations majeures de la biodiversité, des sols et du climat
Par exemple, la coupe rase - autorisée en France -
consiste à abattre la totalité des arbres sur une même parcelle ce qui
entraine des perturbations majeures pour l’équilibre biologique et
structurel des sols. En effet, lors de ces coupes, le sol perd en
fertilité, il s’érode, se dégrade, sa biodiversité est profondément
affectée et le carbone stocké dans le sol est massivement relâché dans
l’atmosphère.
Cette pratique n’est pas à confondre avec la coupe
définitive des derniers grands arbres réalisée lorsque la régénération
naturelle est obtenue. Elle est utilisée dans la production industrielle
de bois, où plantations et coupe rase se succèdent indéfiniment. Pour
France Nature Environnement, il est urgent de sortir de cette logique
coupe rase/plantation, où tous les arbres sur une parcelle sont de la
même espèce et du même âge : « La Forêt ne doit pas être une usine à bois ».
À la place, la diversification, en âges et en espèces, est bien plus
intéressante d’un point de vue biologique, écologique et climatique.
Photo : coupe rase dans une monoculture d'épicéa. Crédit : Alain Persuy
La clef pour des coupes soutenables : analyser et tenir compte de l’écosystème forestier
Non, les forêts ne sont pas une succession d’arbres à abattre. Elles sont des écosystèmes complexes. Les plantes, animaux et micro-organismes mais aussi le sol, l’eau, la température ou encore la luminosité ont de fortes interdépendances. Ils vivent et font vivre ensemble, par leurs interactions, cet écosystème. Ces écosystèmes fonctionnent parfaitement sans la moindre intervention humaine. Lors de l’exploitation de forêt, une combinaison harmonieuse entre l’intervention de l’homme et le fonctionnement naturel des écosystèmes se montre indispensable.
Aussi, avant exploitation, les équipes de France
Nature Environnement militent pour qu’un diagnostic de la biodiversité
soit réalisé par le gestionnaire forestier. Il a pour objectif :
-
d’identifier et localiser la biodiversité remarquable présente ;
-
de formuler des recommandations adaptées sur le choix de coupe ;
-
d’inscrire des mesures à adopter pour une bonne prise en compte de la biodiversité et de la protection des paysages, comme par exemple le fait de limiter la fréquence des interventions dans les zones où les espèces sensibles sont présentes, en particulier pendant les périodes de reproduction et d’hivernage.
Dans cette perspective, notre mouvement appelle également à bannir les abattages d’arbre dans les forêts à fort enjeux écologiques ou dans les forêts dont le statut de protection inclut des mesures réglementaires, contractuelles ou foncière dédiées à la biodiversité.
Cela doit notamment être le cas dans le cœur du Parc national des
forêts de Champagne et Bourgogne (« feuillus de plaine »), où les coupes
de bois sont toujours autorisées. Les abattages ne doivent pas non plus
aller à l’encontre des continuités écologiques, la fragmentation des
habitats constituant l’une des causes principales de la 6ème extinction
des espèces.
Quitte à couper un arbre de 150 ans, autant en faire un long usage
Si les conditions de coupe d’un arbre s’avèrent primordiales, l’usage fait de ce bois pose aussi question. En effet, un chêne est en moyenne coupé après 100 à 150 ans d’existence, un temps long qui appelle à une utilisation durable de ce bois. Le principe de hiérarchie des usages du bois doit donc devenir la règle : le bois d’œuvre (construction et ameublement) est à privilégier en premier lieu, suivi par l’usage du bois d’industrie (papier, emballage) et enfin du bois énergie. La priorité est ainsi donnée à une utilisation de produits bois à usage durable.France Nature Environnement rappelle ainsi que « le bois énergie est à la production de bois ce que les épluchures sont aux patates. Si on peut les valoriser, c’est bien, mais on ne produit pas des patates pour leurs épluchures ! ». Pour bien respecter cette hiérarchie des usages, des objectifs contraignants liés au recyclage et à l’utilisation du bois dans la construction et la rénovation se révèlent indispensables.
Photo : Charpente en chêne du Château médiéval de Sully-sur-Loire (Loiret) Crédit : Lambert A
Couper du bois… peut aussi se révéler bénéfique pour le climat
Aussi surprenant que cela puisse paraître, couper un
arbre et respecter ces priorités peut aussi avoir un bilan positif… pour
le climat. Dans un rapport publié en 2016, la FAO1
- Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture -
explique ainsi que les produits en bois, sur le long terme et s’ils
sont issus de forêts exploitées de manière durable, contribuent à lutter
contre le réchauffement climatique en présentant une alternative à bien
d’autres matières.
« Le bilan carbone d’un bâtiment en bois équivaut seulement à la moitié d’une structure faite de béton
» note par exemple l’organisation. L’utilisation de produits bois évite
ainsi le recours à d’autres matériaux plus énergivores comme le PVC2, l’aluminium, le béton ou l’acier.
Mais ce n’est pas tout, les produits bois continuent aussi à stocker du carbone pendant toute leur durée de vie.
Par ailleurs, l’utilisation de bois pour produire de
l’énergie permet également d’éviter des émissions issues de la
combustion d’énergies fossiles, plus fortes émettrices de gaz à effet de
serre. Les forêts peuvent donc être de formidables alliées dans la
transition écologique.
Reste deux facteurs à ne jamais omettre :
- si le bois est une alternative intéressante, le premier objectif de la transition énergétique reste la sobriété écologique.
- il existe une limite à l’utilisation du bois pour
assurer la durabilité des écosystèmes forestiers. Ces derniers sont le
second puits de carbone planétaire (après les océans). Les forêts
absorbent en France, 12 % de nos émissions de gaz à effet de serre
annuelles.
1 Source : Forestry for a low carbon future : integrating forests and wood products in climate change strategies - FAO 2016.
2 Polychlorure de vinyle
Photo : Futaie irrégulière gérée environnementalement. Crédit : Alain Persuy
En ville, il est parfois nécessaire d’abattre des arbres quand ils mettent en danger les habitants
Et le sort des villes dans tout ça ? Si les arbres ont d’innombrables atouts en milieu urbain,
certaines coupes nécessaires sont prévues dans l’article L 350-3 du
Code de l’environnement. Il est ainsi possible d’abattre un arbre
lorsqu’il présente un danger.
Malheureusement, cet article de loi reste trop
permissif en facilitant les dérogations, comme cela a été le cas de
façon récurrente ces dernières années pour les platanes. La
végétalisation des communes présente de nombreux avantages et doit
s’inscrire dans un schéma global d’aménagement.
L’arbre, la société et les forestiers : le besoin de dialogue entre deux mondes
Alors, abattre un arbre est-il anti-écologique ? Nous
vous avions prévenu : impossible d’avoir une réponse unique. L’analyse
des conditions de coupes, de prise en compte de la biodiversité et de
l’écosystème forestier mais aussi la bonne utilisation du bois apparaît
indispensable avant d’émettre un jugement. France Nature Environnement
s’attache aussi à regarder de près le respect d’un principe du code
forestier français : celui de la « multifonctionnalité des forêts ». Ces
espaces naturels possèdent en effet des fonctions sociales (promenades,
sorties sportives…), économiques (meubles, emballages cartons, papiers,
bois de chauffage…) et écologiques (refuge de biodiversité, stockage du
carbone, épuration des eaux, fixation des sols…). Pour une gestion
durable des forêts, l’économie ne doit pas prendre le dessus sur les
intérêts sociaux et écologiques.
La question est aussi prise en tenaille entre deux
réalités sociétales. Le bois est partout dans notre quotidien. PQ,
meubles, toits, livres... Il suffit de faire ce petit quizz
pour mesurer à quel point il est omniprésent. En parallèle, un
changement rapide du regard de la société sur les forêts s’opère,
passant d’une lointaine bienveillance à un fort niveau de préoccupation.
Les citoyens et citoyennes sont de plus en plus alertés sur les
phénomènes de déforestation et les bienfaits de ces écosystèmes. Les
forêts sont ainsi associées à la sérénité et au ressourcement. Il
devient alors compliqué d’exercer des modifications de ces écosystèmes.
D’autant plus que ces modifications ne doivent pas intervenir n’importe
comment.
Le besoin de dialogue et de compréhension entre société et forestiers devient alors criant.
En effet, les moments et lieux de contacts société-forestiers se font
trop souvent à l’occasion de conflits locaux et régionaux qui ont leurs
causes et leurs dynamiques propres. Pour renouer le dialogue, combattre
les idées reçues, mais surtout co-construire la gestion forestière
future, des lieux de débats doivent être créés. C’est au niveau des
territoires, en lien avec celles et ceux qui y vivent ou qui en ont la
charge, que ce lien entre société et monde forestier doit se construire
avant tout.