Dire
que les populations d’insectes, d’oiseaux et de petits mammifères
s’effondrent est devenu un lieu commun depuis quelques années. Les
rapports et statistiques s’accumulent et énoncent des chiffres tous plus
alarmants que les autres.Il existe une solution simple et esthétique
pour lutter localement contre la disparition de la faune, et ce sans
évoquer la lutte contre les pesticides qui fera l’objet d’un article
ultérieur, et ainsi restaurer une continuité écologique terrestre :
planter une haie.
Les avantages méconnus des haies
La
destruction des haies représenteraient 70% des haies existantes en
France dans les années 50. Ce chiffre équivaut à 1.4 million de
kilomètres, essentiellement pour supprimer les bocages et instaurer des
grandes parcelles agricoles unifiées idéales pour la monoculture. Ce
phénomène est responsable de l’érosion que subissent les sols agricoles
exploités intensivement, ainsi que de la disparition de la faune, qui
n’a plus d’habitat pour subsister dans ces plaines.
Mais il ne
faut pas pour autant se décider à replanter n’importe quelles haies non
plus. La France ne s’est pas encore remise du fléau des haies de
résineux, types thuyas,
qui acidifient les sols et empoisonnent les animaux, et qui cassent les
corridors écologiques dans les lotissements où ils sont massivement
répandus. Cette haie doit être feuillue, c’est à dire vivante,
évolutive et donc soumise aux cycles saisonniers.
Pour énoncer les qualités de la haie, je vais reprendre les avantages que mes amis du blog défi-écologique ont déjà rassemblés
Elle sert de brise-vent.
Elle
vous fournira, si vous optez pour des fruitiers, toute une gamme de
fruits, qui contribueront à la résilience alimentaire du territoire.
La
haie champêtre abritera nombre d’insectes en fonction de ses
différentes périodes de fleurissement, mais aussi en fonction des abris
qu’elle pourra leur fournir sans compter ceux qui se nourrissent de
bois mort (dits « saproxyliques »).
Elle permettra aussi à
l’avifaune de s’y réfugier, de nicher et de s’y nourrir, celle-ci se
révélant alors un précieux allié pour débarrasser vos cultures de tous
les parasites, ce qui facilite la conversion vers une agriculture
biologique.
Comme pour les oiseaux et les insectes, tout le
cortège de la petite faune saura tirer parti d’un tel milieu (pensez à
laisser des ouvertures dans vos grillages pour laisser passer les
hérissons !).
La haie champêtre fleurit. Elle fleurit au
printemps oui, mais peut fleurir en été tout comme en automne aussi. Si
on rajoute à cela taille et forme des feuilles autant que tout le
panel de tons incroyables entre variétés et saisons, et vous avez
rapidement un tableau qui évolue tout au long de l’année.
Elle
consommera les nitrates, dont les arbres et arbustes ont besoin pour
croître, et dépolluera ou limitera la pollution des sols.
Un sol
protégé du lessivage par une haie champêtre et, de fait donc, riche en
humus aussi, abritera une foule de micro-organismes décomposeurs
améliorant la qualité du sol et rendant de nombreux services
écosystémiques (notamment celui de décomposer tout ou partie des
produits chimiques tels que les pesticides et herbicides).
Elle produira de l’humus, à partir de ses feuilles et autres déchets tombés au sol, ce qui l’enrichira.
Vous pourrez ainsi également broyer les résidus de taille et les utiliser comme bois raméal fragmenté, simple paillage pour votre potager et vos bordures de fleurs ou pour alimenter votre compost.
Dans
les régions à fortes chaleurs elle peut être réfléchie de manière à
produire l’ombre telle qu’on la souhaite en fonction de son orientation
et de sa hauteur.
Parce que planter une haie avec vos enfants
est un excellent moyen de les amener à prendre conscience du rythme
auquel fonctionne la nature et plus particulièrement la lenteur
(relative) à laquelle se développent les plantes arbustives.
La
haie champêtre participera du drainage des eaux de pluie qui
s’infiltrent alors plus facilement dans le sol en suivant son système
racinaire, limitant du même coup l’érosion des sols.
Parce qu’il
est aussi possible de penser sa haie dans le cadre des problématiques
locales de protection des espèces (oiseaux, insectes, etc. en danger),
la haie peut permettre à tout un chacun de participer à la conservation d’espèces dont les effectifs sont faibles
Dans le cadre de la stratégie de résilience alimentaire que nous développerons dans les articles de la catégorie alimentation,
l’implantation de haies se révélera très vite un allié précieux pour
les parcelles maraichères que la ville sera amenée à créer, tant par
leur pouvoir protecteur que par leurs capacité de régénération et
d’entretien des sols près desquels elles sont placées. …
La méthode clé pour implanter des haies sur son territoire
Et pour les planter, les maires disposent d’un gros avantage : le PLU.
En effet, en instaurant un emplacement réservé
dans ce document de planification urbaine, de manière à définir des
parties du territoire servant l’intérêt général, notamment via la
création d’espaces verts, la mairie y empêchera toute construction non
compatible avec le projet prévu. Ensuite pour l’acquérir, 3 possibilités s’offrent à la collectivité
Préempter le terrain lors de sa mise en vente par le propriétaire
Attendre que le propriétaire se décide à user de son droit de délaissement pour l’acquérir à moindre coût
Proposer un rachat du terrain à l’amiable
C’est
la méthode choisie par la commune de Laubach (320 habitants), dans le
Bas-Rhin qui, malgré ses faibles moyens, a fait de la réimplantation de
haies sa priorité en les consacrant dans son PLU, ce qui leur a permis d’acquérir suffisamment d’espace
pour planter 500m linéaires de haies champêtres le long des chemins de
la commune. Et, poursuivant cette optique, des haies et arbres ont
également été plantés dans la cour de l’école élémentaire dans le cadre d’une démarche de pédagogie active inspirée par la méthode Montessori.
Financièrement,
cette opération ne revient pas très chère. Pour 500m de longueur, en se
donnant une bande de deux mètres de large, on peut estimer le coût de
l’acquisition foncière, tous frais inclus, à 10 000 € environ. Avec
l’achat des arbustes et du matériel qui va avec, au total, on peut
doubler ce montant. Soit 20 000 € pour reverdir les routes et les
champs.
En Alsace, c’est l’association Haies Vives d’Alsace qui est la référence pour accompagner les projets, conseiller sur les espèces et créer des animations sur mesure.
Autres méthodes de planification
Pour
autant, il est possible que vous ne puissiez pas recourir à cette
méthode, soit parce que vous venez d’adopter votre PLU et ne voulez pas
replonger dedans, soit parce que vous dépendez d’un PLUI et l’interco ne
souhaite pas mettre en oeuvre cet outil. Il vous reste deux solutions
Une
expropriation classique des propriétaires concernés, ce qui est plus
contraignant que l’emplacement réservé, mais devrait bien passer auprès
de la préfecture, puisque votre projet concerne la création d’espaces
verts sur un emplacement proportionné à l’objectif visé.
L’accord
à l’amiable avec le propriétaire, où les agriculteurs les plus
réticents à ce genre d’initiatives seront évidemment opposés à votre
projet.
Par
ailleurs, pour durer dans le temps, vos haies doivent être acceptées
par tous les acteurs concernés. Les habitants se baladeront avec plaisir
le long des chemins pour y cueillir des baies et autres petits fruits
typiques. Tandis que les naturalistes se satisferont du retour de la
biodiversité dans la commune. La communication municipale saura
valoriser ces nombreux bénéfices.
Mais
votre principal adversaire, vous le savez déjà, sera les agriculteurs,
qui n’aiment pas les haies sur les champs et les chemins, puisque ces
dispositifs gênent les champs en monoculture et le passage de leurs
engins. D’ailleurs, jusqu’à 2015, la Politique Agricole Commune ne les
comptait pas dans les surfaces exploitées. Ainsi, pour maximiser leurs
revenus, les agriculteurs coupaient les haies.
Je
vous propose donc de contractualiser avec les exploitants limitrophes
l’entretien des haies, des talus et des bords de route. Ainsi, ils les
tailleront dans le respect de ses petits habitants. L’association Alsace
Nature décrit bien dans cette brochure les principes à respecter pour l’entretien durable des zones herbeuses et des haies.
Alternatives
Planter
une haie vivante n’est pas votre seule solution. Vous pouvez également
opter pour deux autres solutions susceptibles de favoriser la
biodiversité sur votre territoire, le long des chemins, des rivières ou
des champs.
le plessage,
c’est à dire la constitution d’une haie tressée avec de l’osier ou
d’autres essences, qui s’entremêleront naturellement au fil des années,
constituant une haie vivante capable de maintenir des talus ou des
berges, mais aussi d’abriter et nourrir la biodiversité, comme évoqué
plus haut.
La création de haies mortes (ou sèches), c’est à dire un tas de bois mort
et de branches, éventuellement maintenus par des piquets. Ce tas,
entassé avec soin, pourra agrémenter les parcs et friches sans demander
beaucoup d’effort, tout en offrant les mêmes avantages qu’une haie
vivante. Ce site offre un bon récapitulatif des techniques en jeu.
Planter
une haie offre ainsi une palette d’avantages pour la transition
écologique de votre territoire, puisque outre leur rôle dans la
préservation de la biodiversité, elles contribuent à la résilience
alimentaire, à l’éducation, voire à l’animation des habitants dans la
vie de votre commune. Un mur végétal qui créé des ponts vers un avenir
radieux en somme.
Cadre
de la fonction publique territoriale spécialisé en protection de
l’environnement. Mélange droit public, transition écologique et tasses
de café pour créer un blog concret sur la transition des territoires.