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Global Acroecology Program
Penser globalement la transition agroécologique tout en agissant localement par l’expérimentation scientifique
Nombre
de recherches convergent sur le fait qu’une condition de base pour le
développement d’une agriculture écologiquement intensive est
l’augmentation de la diversité biologique à différentes échelles
d’espace (de la parcelle au paysage) et de temps (période culturale,
succession culturale) de manière à favoriser les interactions entre les
plantes, les animaux et les micro-organismes. Ces interactions
permettent de : i) fournir des services « intrants » en améliorant par
exemple les composantes physiques, chimiques et biologiques de la
fertilité des sols ; ii) de réduire la pression des bioagresseurs et
favoriser les auxiliaires. Les pratiques et aménagements permettant
d’augmenter la diversité biologique (travail du sol simplifié, rotations
de cultures, cultures/variétés associées, intercultures, cultures sous
couvert, aménagement de structures paysagères, par exemple) doivent
assurer le maintien de la production agricole, mais aussi réduire les
externalités négatives de l’agriculture (telles que les émissions de gaz
à effet de serre) tout en favorisant la production de biens communs
comme la séquestration du carbone. Il s’agit donc bien de penser la
transition du point de vue global y compris en termes d’impact
socio-économique. Associer à la réflexion l’ensemble des parties
prenantes, la recherche, les agriculteurs, les consommateurs, mais aussi
les éducateurs, les organisations territoriales, régionales et locales,
et les financeurs (banques) devient une nécessité. Mais penser la
transition conduit aussi à un double défi inédit, écologique et
économique. Ce fait encourage les participants à se dégager des carcans
analytiques habituels pour réfléchir en termes d’innovation
socio-économique. Faire le lien entre agriculture durable, biodiversité,
organisation humaine, financement, réalisation, le tout dans un horizon
temporel raisonnable devient en soi un enjeu de modernité à part
entière.
Notre projet consiste à
appréhender la transition radicale et nécessaire du paradigme agricole,
d’une agriculture industrielle basée sur un usage fort d’intrants de
synthèse vers l’agroécologie basée essentiellement sur la fourniture de
services écosystémiques (fourniture de nutriments à la plante,
régulation des bioagresseurs, structuration du sol, etc.) ; il s’agira
ainsi de mettre au point des agroécosystèmes optimisant ces services
dans des conditions écologiques et pédoclimatiques particulières sur le
temps long. Ensuite, notre projet se décline autour de l’impact de cette
transition sur les aspects socio-économiques aux échelles du territoire
et global, mais aussi sur les modalités de financement de la
transition.
Notre projet visera tout
d’abord à améliorer la compréhension des méthodes à mettre en place pour
gérer les services écosystémiques dans des conditions pédoclimatiques
données, en se basant sur les connaissances issues de la littérature
scientifique. Cela suppose une approche holistique sur le temps long,
car la nature est un système complexe dynamique avec un grand nombre
d’individus en interaction. Ces méthodes se basent sur la gestion de la
biodiversité à l’origine des services écosystémiques tels les lombrics
pour la structuration du sol, les champignons mycorhiziens à arbuscules
pour fournir des nutriments aux plantes, etc. À cette fin, les
caractéristiques des agroécosystèmes doivent être marquées par une
augmentation significative de la diversité cultivée, des couverts
végétaux permanents, une réduction du travail du sol, la gestion des
arbres et haies, etc.
Nous testerons ainsi
différents agroécosystèmes, les plus adaptés aux conditions de
l’expérimentation marquées par un climat méditerranéen (stress
hydrique), selon des facteurs clefs : choix des variétés, association de
différentes espèces et variétés, successions culturales, travail du
sol, etc. La dimension empirique est fondamentale étant donné qu’il
existe une grande diversité de situations de production. Nous
sélectionnerons les agroécosystèmes les plus performants en estimant
leur durabilité via la mesure d’indicateurs des marqueurs moléculaires
fonctionnels aux indicateurs de biodiversité ou de production (rendement
et qualité). Les objectifs des agroécosystèmes mis en place s’étendront
de la considération quasiment exclusive du rendement de la production
végétale à des aspects qualitatifs. En effet, la production mondiale ne
remplit pas les besoins nutritionnels pour la santé humaine et
l’agriculture industrielle favorise la consommation de produits
ultra-transformés sources d’additifs alimentaires de synthèse, de
lipides et de sucres, favorisant notamment les maladies
cardiovasculaires ou le diabète. De la même manière, il s’agira
d’assurer la durabilité d’un agroécosystème du point de vue du
rendement, mais aussi de la résilience sur le temps long face à de
potentiels épisodes de températures extrêmes ou des carences en eau liés
au changement climatique. L’analyse des données sera menée grâce à
l’expertise d’Oriskany dans l’analyse statistique et probabiliste des
systèmes complexes.
La rentabilité économique
est au cœur des enjeux classiques de l’agriculture industrielle, basés
sur des économies d’échelle sur de grandes surfaces et le prix des
marchés mondiaux. Or, les risques associés au changement climatique —
qu’il s’agisse du changement de l’environnement lui-même (risque
biophysique) ou de l’adaptation de la société pour limiter ces
changements (risques sociétaux et institutionnels) — auront un impact
très important sur la stabilité financière (cf. Article 173 de la loi
relative à la transition énergétique pour la croissance verte) et, dès
lors, sur le fonctionnement de l’économie mondiale. Leur bonne prise en
compte par le système financier est devenue un véritable enjeu afin de
limiter les risques de potentielles crises alimentaires au niveau
mondial. Dans ce contexte inédit, il devient urgent que le système
financier permette la compatibilité du modèle de financement et de
l’innovation agroécologique.
L’agroécologie, quant à
elle, est basée sur un ancrage territorial où les systèmes de production
s’insèrent dans différents contextes socio-économiques. Les systèmes de
production sont ainsi en partie déterminés par un grand nombre
d’acteurs en interaction : transformateur, distributeur, consommateur,
collectivités locales et gestionnaires de ressources/déchets. Ces
interactions, formant ce que l’on appelle l’économie circulaire, peuvent
permettre la création locale d’emplois, l’amélioration de la santé
humaine grâce à la production d’aliments nutritionnellement sains,
l’augmentation de la valeur ajoutée pour l’agriculteur, etc. Notre
projet vise à mettre au point, mais aussi étudier, de nouvelles
organisations socio-économiques en lien avec la transition
agroécologique relativement aux conséquences de l’agriculture
industrielle. Dans ce but, et dans une logique de recherche
participative, des rencontres seront organisées avec des agriculteurs,
des instituts techniques, des chercheurs, etc., afin de créer un réseau
et fournir des analyses cohérentes. Ainsi dans ce contexte, aborder la
question du financement sera aussi indispensable. Rendre compatible ce
modèle de financement et innovation agroécologique devient également un
enjeu essentiel.
À cette fin, le programme
doit aborder à la fois la dimension globale et s’inscrire dans une
logique concrète et locale. En collaboration avec l’AllEnvi, l’alliance
nationale pour l’environnement, les porteurs de projet ont choisi
d’associer ces deux grands thèmes :
Le volet « Penser Global », qui s’intègre dans la transition
agroécologique, dans le but d’associer un maximum d’acteurs à la
réflexion et la mise en place de modèle socio-économique ; et le volet
« Agir Local », qui permet la réflexion et la mise en place de solutions
pratiques agriculturales spécifiques basées sur les principes de
l’agroécologie.