https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1134540/sante-sol-qualite-eau-agricole-champs-erosion-ruissellement-matiere-organique-engrais-carbone-phosphore-rejet
La rivière Yamaska vue des airs et quelques terres agricoles qui la bordent.
Photo : Radio-Canada
Radio-Canada
Mis à jour le
Les
rejets agricoles et l'érosion des sols sont des sources de
préoccupations croissantes dans le monde rural. Or, certains
spécialistes sont convaincus qu'un des meilleurs outils pour lutter
contre la pollution de l'eau en milieu agricole... c'est la pelle!
Un texte d’Aubert Tremblay, de La semaine verte
C’est le cas de Louis Robert, agronome au ministère de
l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ).
Avec quelques collègues, il bat la campagne pour inciter les
agriculteurs à faire régulièrement un bilan de santé de leurs terres.
Son message est simple. Il leur dit : Creusez, allez voir sous la
surface, vous obtiendrez de meilleurs rendements et les cours d’eau s’en
porteront mieux.
Ça commence à être urgent que les gens prennent conscience que c'est central, qu'il faut agir maintenant sur la qualité des sols.
Pour ces spécialistes, un sol en santé est d’abord un sol
grouillant de vie, qui nourrit et abreuve efficacement les plantes,
avec un minimum d’engrais et de pesticides. Il est aussi moins sujet à
l’érosion qu’un sol détérioré et se retrouve moins dans les cours d’eau.
En prime, comme il retient bien l’eau de fonte au
printemps, il est le meilleur outil qui soit pour lutter contre les
débordements des rivières et l’érosion des rives, et donc contre la
pollution de l’eau.
Autrement dit, pour un producteur agricole, soigner son sol, c’est à la fois rentable et environnemental.
C'est dommage qu'on entende trop souvent dire que, pour améliorer la productivité et la rentabilité des entreprises, on n'a pas le choix que de courir de plus grands risques environnementaux, alors que c'est complètement faux. Tout va de pair.
La quantité d’eau potentiellement retenue par les sols
donne le vertige. Augmentez d’un seul point de pourcentage le taux de
matière organique de votre sol et il retiendra 150 000 litres d’eau à
l’hectare de plus. À l’échelle de tout le Québec agricole, ce serait
500 milliards de litres d’eau retenue, l’équivalent de ce qui coule dans
le fleuve Saint-Laurent à la hauteur de Montréal pendant 16 heures.
Autant d’eau douce qui pourrait abreuver les plantes en
période de sécheresse et entretenir nos puits, nos sources, tout en
contribuant à garder nos rivières plus propres.
Des sols qui se détériorent
Malheureusement, les sols du Québec sont de moins en
moins en santé. Agriculture Canada rapporte en effet que leur taux de
matière organique est en baisse.
Au lieu d'absorber 10 ou 15 centimètres d'eau par jour, certains sols n’en absorbent plus qu’un!
Ces cartes montrent le risque de dégradation de la
teneur en carbone des sols en 2011 (Source : Agriculture et
Agroalimentaire Canada). La version originale de ce document a été
modifiée. Pour des raisons techniques, la version interactive de la
carte n'est plus disponible.
Il faut dire qu’on offre souvent aux agriculteurs des
solutions rapides aux problèmes de rendement ou d’égouttement : mettre
plus d’engrais, aplanir le sol ou ajouter des tuyaux de drain à ceux
déjà existants. Or, souvent, ces actions sont inutiles ou, pire, elles
aggravent le problème.
La solution proposée par Louis Robert et ses collègues
est plus lente, mais beaucoup moins coûteuse et surtout bien plus
durable : écouter le sol et diagnostiquer avant de soigner.
Un sol bien fait contient assez d’eau et d’oxygène pour
nourrir les microorganismes qui, eux, rendent les éléments chimiques
disponibles aux plantes. Bref, le physique influence directement la
biologie et la chimie. Or, c’est sur la condition physique de son sol
que l’agriculteur a le plus de prise : il n’a qu’à modifier ses
pratiques pour que tout change.
Si le sol est un organisme vivant, bien sa santé dépend d'abord et avant tout de sa condition physique.
Faire le diagnostic de son sol est à la portée de tous. Il faut prendre le temps de creuser, palper, examiner, réfléchir.
Le sol idéal est fait de petites boulettes, des agrégats, qui retiennent une partie de l’eau et laissent passer l’excédent.
Si, sous l’effet d’un couteau, la terre se détache en
blocs plutôt qu’en granules, c’est que le sol est trop compact, il
manque d’oxygène et les microorganismes étouffent. Si la terre tombe en
poussière, c’est qu’au contraire ses particules ne se sont pas assez
soudées et ne retiennent pas l’eau, les microorganismes ont soif.
Dans les deux cas, la vie du sol ne peut pas nourrir ni
protéger les plantes. Si on ajoute des engrais, ils iront en grande
partie dans le fossé, avec la terre que l’eau y entraînera.
Même la couleur du sol parle : s’il est gris, c’est
peut-être qu’il étouffe parce qu’en présence d’air, le fer devrait
s’oxyder et la terre devenir plus rouge.
Les solutions pour améliorer la santé des sols passent
par des techniques comme le travail minimum du sol et le semis direct
(qui consiste à introduire des semences directement dans le sol sans
passer par le labour), la culture de céréales d’automne, qui gardent un couvert vivant jusqu’à l’été suivant, ou encore l'utilisation de cultures intercalaires (par exemple, semer des plantes fourragères entre les rangs de maïs).
Le fait de laisser les résidus de cultures à la surface des champs est une autre méthode privilégiée.
Prises ensemble, ces techniques permettent de réduire
l’érosion, d’améliorer l’activité microbienne du sol et de diminuer le
recours aux produits chimiques.
Bref, la santé des cours d’eau passe par celle des sols.
La santé financière des fermes aussi. Mais encore faut-il que les
agriculteurs en soient conscients, ce qui est loin d’être toujours le
cas.