« Comprendre les enjeux de la modélisation énergie-climat-économie » : le Shift éclaire pour vous les scénarios énergie-climat
Comprendre comment sont conçus les différents modèles mathématiques permettant d'évaluer des scénarios du futur basés sur les situations constatées et la compréhension du fonctionnement du système climatique.
Article origine: https://theshiftproject.org/article/comprendre-modelisation-energie-climat-economie-scenarios/
Cette note d’analyse vise à réaliser un état des lieux des enjeux liés aux modèles utilisés pour la réalisation de scénarios énergie-climat. Ceux-ci sont de plus en plus utilisés par les acteurs économiques, notamment les entreprises. Ce travail a vocation à définir les principaux concepts, et décrypter l’exercice de modélisation lui-même, notamment pour des utilisateurs non-initiés aux scénarios. Cette note a été réalisée en collaboration avec IFP Energies Nouvelles, en marge de l’étude « Scénarios énergie-climat : évaluation et mode d’emploi » réalisée par The Shift Project en partenariat avec l’Afep, qui sera publiée le 18 novembre 2019.
L’émergence des problématiques énergétiques et climatiques, et plus particulièrement leur influence sur le système socioéconomique, s’est accompagnée du développement de modèles visant à représenter la complexité des interactions entre ces trois systèmes. De plus en plus sophistiqués, ces modèles sont sous-jacents à la plupart des scénarios énergie-climat réalisés aujourd’hui, sur lesquels de nombreux acteurs s’appuient, ou pourraient s’appuyer, pour éclairer leurs décisions.
Conçus pour un usage bien précis, les modèles sont des outils complexes qui produisent des résultats dont l’interprétation n’est pas aisée et s’inscrit dans un certain cadre. Ces modèles incluent par ailleurs certaines limites dans leur représentation du réel qu’il est nécessaire de considérer. Pour certains chercheurs, ces limites sont structurelles et induisent en erreur les décideurs. Pour d’autres, les modèles sont perfectibles et demeurent la seule alternative disponible pour évaluer les politiques climatiques et énergétiques.
D’une manière générale, la diversité des concepts et la complexité des structures des modèles constituent clairement une barrière pour la bonne compréhension et le bon usage des résultats par les non-initiés. Il existe des marges d’amélioration importantes en matière de transparence et de clarté de la part des modélisateurs, tant sur la philosophie des modèles (mode de résolution, paradigmes de modélisation), leur structure interne (structure mathématique, paramètres, etc.) que sur leur adéquation avec les questions auxquelles les utilisateurs souhaitent répondre.
Les modélisateurs, qui sont aussi souvent scénaristes, sont donc les interlocuteurs privilégiés avec lesquels les acteurs économiques pourraient discuter afin de faciliter leur usage de scénarios énergie-climat.
Il propose une cartographie des différents modèles « énergie-économie » (en jaune) selon leur approche initiale (bottom-up/top-down) et leur méthode de résolution (optimisation/simulation). Couplés à un modèle climatique, de manière totalement intégrée ou non (en bleu), – ainsi qu’à d’autres modèles spécialisés sur certains secteurs afin d’affiner leur représentation du monde (usage des sols par exemple) – ces modèles deviennent des IAMs (en vert).
D’une manière générale, la première remarque qui peut être formulée concerne la clarté et la transparence de l’exercice de modélisation lui-même. Alors que les modèles sont très hétérogènes et très sophistiqués (informations d’entrée, structure des modèles, etc.), la note souligne qu’il existe des marges d’amélioration sur ce plan et que cela complique l’interprétation des résultats par l’utilisateur non-initié. Aucun cadre d’évaluation de la structure des modèles n’existe à ce jour.
Au-delà, ces limites concernent également certains aspects particuliers dont quelques-uns sont décrits ci-dessous :
Il existe donc des marges d’amélioration importantes en matière de transparence et de clarté de la part des modélisateurs, tant sur la philosophie des modèles (mode de résolution, paradigmes de modélisation), leur structure interne (structure mathématique, paramètres, etc.) que sur leur adéquation avec les questions auxquelles les utilisateurs souhaitent répondre.
Pour la plupart des scénarios énergie-climat disponibles, le modélisateur est aussi scénariste. Ces acteurs sont donc les interlocuteurs privilégiés avec lesquels les acteurs économiques pourraient discuter afin de faciliter leur usage de scénarios et de modèles. The Shift Project encourage cette discussion car les modèles, et plus largement les scénarios énergie-climat, demeurent des outils essentiels pour nourrir les réflexions stratégiques des acteurs politiques et économiques.
Article origine: https://theshiftproject.org/article/comprendre-modelisation-energie-climat-economie-scenarios/
Cette note d’analyse vise à réaliser un état des lieux des enjeux liés aux modèles utilisés pour la réalisation de scénarios énergie-climat. Ceux-ci sont de plus en plus utilisés par les acteurs économiques, notamment les entreprises. Ce travail a vocation à définir les principaux concepts, et décrypter l’exercice de modélisation lui-même, notamment pour des utilisateurs non-initiés aux scénarios. Cette note a été réalisée en collaboration avec IFP Energies Nouvelles, en marge de l’étude « Scénarios énergie-climat : évaluation et mode d’emploi » réalisée par The Shift Project en partenariat avec l’Afep, qui sera publiée le 18 novembre 2019.
L’émergence des problématiques énergétiques et climatiques, et plus particulièrement leur influence sur le système socioéconomique, s’est accompagnée du développement de modèles visant à représenter la complexité des interactions entre ces trois systèmes. De plus en plus sophistiqués, ces modèles sont sous-jacents à la plupart des scénarios énergie-climat réalisés aujourd’hui, sur lesquels de nombreux acteurs s’appuient, ou pourraient s’appuyer, pour éclairer leurs décisions.
Conçus pour un usage bien précis, les modèles sont des outils complexes qui produisent des résultats dont l’interprétation n’est pas aisée et s’inscrit dans un certain cadre. Ces modèles incluent par ailleurs certaines limites dans leur représentation du réel qu’il est nécessaire de considérer. Pour certains chercheurs, ces limites sont structurelles et induisent en erreur les décideurs. Pour d’autres, les modèles sont perfectibles et demeurent la seule alternative disponible pour évaluer les politiques climatiques et énergétiques.
D’une manière générale, la diversité des concepts et la complexité des structures des modèles constituent clairement une barrière pour la bonne compréhension et le bon usage des résultats par les non-initiés. Il existe des marges d’amélioration importantes en matière de transparence et de clarté de la part des modélisateurs, tant sur la philosophie des modèles (mode de résolution, paradigmes de modélisation), leur structure interne (structure mathématique, paramètres, etc.) que sur leur adéquation avec les questions auxquelles les utilisateurs souhaitent répondre.
Les modélisateurs, qui sont aussi souvent scénaristes, sont donc les interlocuteurs privilégiés avec lesquels les acteurs économiques pourraient discuter afin de faciliter leur usage de scénarios énergie-climat.
Mais qu’est-ce qu’un « modèle » ?
Le modèle est le sous-jacent « mathématique » du scénario, qui est aussi composé de son narratif.C’est un ensemble d’équations visant, à partir d’hypothèses d’entrée et de processus de résolution, à représenter le fonctionnement d’un système réel (le climat, l’économie d’un pays, etc.), et son évolution dans le temps.
Schéma simplifié des principaux éléments d’un modèle
La caractérisation des processus de modélisation repose sur plusieurs éléments : - la nature des variables : « exogènes », c’est-à-dire prédéfinies (comme souvent le PIB), et les variables « endogènes » qui sont le résultat du modèle ;
- le type de logique de résolution : logique d’optimisation ou de simulation, par exemple ;
- le type de paradigme de modélisation: l’approche bottom-up (qui part du détail vers le général), ou l’approche top-down (qui part du général vers le détail) par exemple.
L’avènement du « modèle d’évaluation intégrée » (IAM)
Les IAMs reposent sur troisième paradigme dit « d’évaluation intégrée » qui permet de prendre en compte les interactions entre les systèmes climatique, socioéconomique et technique. Ils modélisent des systèmes très complexes et tentent de représenter au mieux les chaînes causales qui les relient.
Représentation simplifiée de la structure d’un modèle d’évaluation intégrée. CarbonBrief (2018)
Cette nouvelle génération de modèles est utilisée dans le
cadre des travaux du Groupe III du GIEC pour l’évaluation des politiques
de lutte contre le réchauffement climatique et l’aide à la décision.Une tentative de classement des modèles
Le classement des modèles est un exercice délicat, tant leur diversité est importante. Le classement proposé est donc nécessairement simplifié, général ou encore approximatif.Il propose une cartographie des différents modèles « énergie-économie » (en jaune) selon leur approche initiale (bottom-up/top-down) et leur méthode de résolution (optimisation/simulation). Couplés à un modèle climatique, de manière totalement intégrée ou non (en bleu), – ainsi qu’à d’autres modèles spécialisés sur certains secteurs afin d’affiner leur représentation du monde (usage des sols par exemple) – ces modèles deviennent des IAMs (en vert).
Classification simplifiée des modèles selon l’approche de modélisation retenue (cette représentation est illustrative et n’a pas pour vocation d’être exhaustive)
Les modèles sont par nature imparfaits et ne représentent pas tout
La note explicite également certaines limites des modèles utilisés pour la réalisation de scénarios énergie-climat.D’une manière générale, la première remarque qui peut être formulée concerne la clarté et la transparence de l’exercice de modélisation lui-même. Alors que les modèles sont très hétérogènes et très sophistiqués (informations d’entrée, structure des modèles, etc.), la note souligne qu’il existe des marges d’amélioration sur ce plan et que cela complique l’interprétation des résultats par l’utilisateur non-initié. Aucun cadre d’évaluation de la structure des modèles n’existe à ce jour.
Au-delà, ces limites concernent également certains aspects particuliers dont quelques-uns sont décrits ci-dessous :
- Les aspects d’ordre socioéconomiques et liés à la représentation du système économique. Par exemple, cette représentation se fonde sur des équations dont les paramètres et les variables sont calibrées à partir de données historiques, ce qui conduit les modèles à surestimer à quel point l’avenir ressemblera au passé. Par ailleurs, la croissance de l’économie (PIB) et de la population sont en général des variables exogènes (généralement déterminées hors d’un contexte de transition ou de changement climatique), or elles les principaux déterminants de la demande en bien et service et donc in fine de la demande en énergie finale. En outre, le système financier n’est représenté dans aucun modèle, alors qu’il est crucial dans le financement de la transition, ou peut générer des ruptures ayant un impact sur la croissance, donc sur les émissions de GES (comme la crise de 2008).
- Les conséquences du changement climatique sur le système économique ne sont pas modélisées dans la plupart des modèles. Cela conduit en partie à discriminer les investissements visant à atténuer les effets du changement climatique dans le processus de modélisation.
- Les aspects techniques de la transition énergétique : la représentation du système énergétique est relativement hétérogène parmi les modèles. Ceux-ci ne prennent que marginalement en compte l’effet rebond, qui limite voire annule certains gains issus de l’efficacité énergétique par une augmentation des usages. Ils comptent souvent sur des technologies de rupture, notamment de captage et stockage du CO2, ce qui peut entretenir l’illusion d’une transition sans effort ni contrainte, notamment en ce qui concerne les modes de vie et de consommation. Enfin, la prise en compte de la disponibilité des ressources non-énergétiques est limitée, alors que les besoins en ressources minérales pourraient significativement augmenter, ce qui conduit à surestimer la capacité de pénétration de certaines technologies.
Il existe donc des marges d’amélioration importantes en matière de transparence et de clarté de la part des modélisateurs, tant sur la philosophie des modèles (mode de résolution, paradigmes de modélisation), leur structure interne (structure mathématique, paramètres, etc.) que sur leur adéquation avec les questions auxquelles les utilisateurs souhaitent répondre.
Pour la plupart des scénarios énergie-climat disponibles, le modélisateur est aussi scénariste. Ces acteurs sont donc les interlocuteurs privilégiés avec lesquels les acteurs économiques pourraient discuter afin de faciliter leur usage de scénarios et de modèles. The Shift Project encourage cette discussion car les modèles, et plus largement les scénarios énergie-climat, demeurent des outils essentiels pour nourrir les réflexions stratégiques des acteurs politiques et économiques.